the NachtKabarett

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Textes et contenu © Nick Kushner Sauf Annotation Contraire
Traduction française : Gilles R. Maurice

Le sacrifice impliquait que l'on asperge, avec le sang de l'animal ou de l'humain sacrifié, les pierres ou l'autel ; il arrivait que l'on répande le sang directement au pied de l'autel, une pratique probablement plus récente. D'un point de vue magique, il était important que le sang baptise les pierres de l'autel, l'esprit de Dieu étant conçu pour résider dans les pierres. On voyait le sang comme véhicule de la force de vie. Le sang projeté sur les pierres transmettait la force vitale du sacrifice qui reposait dans le sang, à Dieu qui résidait dans les pierres. L'acte de mise à mort en lui-même n'était pas aussi important, d'un point de vue magique, que l'aspersion de sang.
Tetragrammaton de Donald Tyson. Sur l'autel de pierre et le sacrifice des 12 tribus d'Israël ordonné par Josué, après la traversée de la Rivière Jordan.

Tout comme le nom 'Marilyn Manson' est une dichotomie d'éléments opposés, le terme 'Eat Me, Drink Me' (Mangez-Moi, Buvez-Moi) est lui-même l'union de deux opposés dans le contexte d'Alice au Pays des Merveilles. 'Eat Me', le gâteau, faisait grandir Alice, alors que 'Drink Me', la bouteille, la faisait rapetisser. En d'autres mots, le titre de l'album agit comme le prolongement de la dichotomie noir/blanc, bien/mal que Manson dépeint continuellement.

Si l'on veut philosopher à une échelle plus profonde, Eat Me, Drink Me peut être interprété comme l'union de l'expansion et de la contraction ; dichotomie de deux opposés, Marilyn et Manson.

"Cet album est la meilleure chose artistique que je pouvais offrir pour représenter l'idéologie Célébritarienne"
Interview 'Red Carpet Grave', MansonUSA. 2007.
Eat Me, Drink Me. Un Manson romantique et nouvellement inspiré, incarnant littéralement l'expression "hearts in one's eyes".

Soudainement en avril 2007, après que fut dévoilé le titre du nouvel album, Eat Me, Drink Me, MarilynManson.com changea radicalement, passant de son thème "Célébritarien" à une nature plus surréaliste et brute. Une nouvelle direction émergea au gré des évènements menant à la sortie de l'album ; la croix double devint moins omniprésente, remplacée par une nouvelle icône représentant un coeur spiralé (visible dans l'artwork de l'album, puis présenté comme le motif d'un nouveau tatouage au poignet de Manson, hommage à sa créativité revigorée grâce à Evan Rachel Wood ; SPIN magazine, juin 2007, album liner notes included), et la plupart des éléments et de l'imagerie énigmatiques qui avaient émoustillé les visiteurs depuis plus d'un an semblèrent s'écarter pour laisser place à un examen plus viscéral, émotionnel et subjectif de l'année qui fut peut-être la plus difficile pour Manson. Immédiatement, la contradiction émerge entre les précedentes intentions de Manson pour le Célébritarianisme, et cette nouvelle direction, celle d'une nouvelle vie sanglante s'entremêlant avec son art.

Manson se produisant en Roumanie, le 1er Juillet 2007. Ce plan nous dévoile l'intégralité du tatouage représentant le nouveau logo en coeur spiralé.

Bien que cette nouvelle direction apparaisse au premier abord comme un revirement radical par rapport aux indices distillés et cultivés par Manson depuis la tournée Against All Gods, de nombreux parallèles et évocations du Célébritarianisme ont émergé au sein de l'album, qui est devenu sa réflexion artistique la plus personnelle à ce jour.

La Double Croix Célébritarienne, subtilement intégrée dans le graphisme de la pochette d'Eat Me, Drink Me, dans l'encadrement de la fenêtre.

En plus de la présence subtile de la Croix Double Célébritarienne ci-dessus sur la couverture de l'album, Manson a également continuellement porté sa chevalière à Croix Double de la Celebritarian Corporation, et ce même après ce revirement de direction artistique. Il est raisonnable de croire que le Célébritarianisme est un concept beaucoup plus large et qui va chercher beaucoup plus loin que ce que peut contenir un simple album, s'agissant d'un thème illustré de manière récurrente et explicite par Manson depuis Holy Wood en 2000. Plutôt que de se borner à en faire la simple évocation, Eat Me, Drink Me est plus comme une application du Célébritarianisme, l'art utilisé de manière puissante et cathartique pour dresser un constat personnel.

Une des illustrations de John Tenniel pour 'Alice au Pays des Merveilles'.

Le titre en lui-même, Eat Me, Drink Me, évoque un ensemble multidimensionnel de thèmes, tous liés au Célébritarianisme. Quatre principaux thèmes qu'il suggère sont la morbide théologie chrétienne, avec l'offrande sacrificielle du corps du Christ à la dévoration du monde évoquée dans les évangiles synoptiques et d'autres passages de la Sainte Bible ; des passages d'Alice au Pays des Merveilles, en particulier la citation infâme récupérée dans le titre de l'album ; le célèbre fantasme cannibale réalisé à Rotenburg, en Allemagne, par Armin Meiwes et Bernd Jürgen Armando Brandes ; et enfin la référence romantique vampirique d'aspirer l'essence de vie d'une femme et Manson adoptant le rôle de Nosferatu, assumant pleinement l'étiquette que ses critiquent avaient tenté de lui coller depuis le début.

Dans la série des indices annonçant que l'album est en réalité un produit directement issu du Célébritarianisme, plutôt qu'un revirement radical de ses intentions comme beaucoup le pensaient, la première publication de presse à propos d'Eat Me, Drink Me postée sur MarilynManson.com était créditée comme étant syndiquée par une parodie d'agence qui n'est autre que la Celebritarian Corporation.

Eat Me, Drink Me Biblical Connection

La dimension Biblique

Les thèmes suggérés par le titre 'Eat Me, Drink Me' : en collaboration avec Brad Jaeger

'Eat Me' ; Manson incarnant le corps sacrificiel du Christ, théâtre central de son propre Dernier Repas. Scène du clip 'Disposable Teens'.

L'un des thèmes les plus évidents évoqués par le titre est celui de l'Eucharistie, ou 'Action de grâce', lorsque Jésus donne à ses disciples l'instruction de manger sa chair et boire son sang. C'est précisément ici que le concept Célébritarien de Manson trouve sa source ; l'idée de Manson voyant le Christ comme première célébrité, et le crucifix comme première marchandise dérivée, le Célébritarianisme est la vénération de la mort et de la célébrité, et comme suggéré par le mot lui-même, le fait de consommer et dévorer la célébrité en suivant l'exemple de la symbologie de l'Eucharistie.

Plusieurs récits de l'Eucharistie peuvent être trouvés dans le Nouveau Testament, certains figurant dans les trois évangiles synoptiques (Marc, Luc et Matthieu). Ci-dessous, le récit de Marc, suivi des très similaires écrits de Luc et Matthieu :

Et comme ils mangeaient, Jésus prit du pain, et ayant rendu grâces, il le rompit, et le leur donna, et dit : Prenez, mangez, ceci est mon corps. / Ayant aussi pris la coupe et rendu grâces, il la leur donna, et ils en burent tous. / Et il leur dit : Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui est répandu pour plusieurs.
Marc 14:22-24
Puis il prit du pain, et ayant rendu grâces, il le rompit et le leur donna, en disant : Ceci est mon corps, qui est donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. / De même, après avoir soupé, il leur donna la coupe, en disant : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, qui est répandu pour vous.
Luc 22:19-20
Pendant qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain ; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le donna aux disciples, en disant : Prenez, mangez, ceci est mon corps. / Il prit ensuite une coupe ; et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, en disant : Buvez-en tous ; / car ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés. / Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où j'en boirai du nouveau avec vous dans le royaume de mon Père.
Matthieu 26:26-29

D'autres instructions figurent également dans d'autres textes du Nouveau Testament, dont la Première Epître aux Corinthiens et le livre de Jean :

Et ayant rendu grâces, il le rompit, et dit : Prenez, mangez ; ceci est mon corps, qui est rompu pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. / De même aussi, après avoir soupé, il prit la coupe, et dit : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ; faites ceci en mémoire de moi, toutes les fois que vous en boirez. / Car toutes les fois que vous mangez de ce pain, et que vous buvez de cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne.
1 Corinthiens 11:24-26
Je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel ; si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement ; et le pain que je donnerai, c'est ma chair. Je la donnerai pour la vie du monde. / Les Juifs disputaient donc entre eux, disant : Comment cet homme peut-il donner sa chair à manger ? / Jésus leur dit : En vérité, en vérité je vous le dis : Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous-mêmes. / Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, a la vie éternelle ; et je le ressusciterai au dernier jour. / Car ma chair est véritablement une nourriture, et mon sang est véritablement un breuvage. / Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, demeure en moi, et moi en lui. / Comme le Père, qui est vivant, m'a envoyé, et que je vis par le Père ; ainsi celui qui me mange vivra par moi. / C'est ici le pain qui est descendu du ciel. Ce n'est pas comme vos pères qui ont mangé la manne, et ils sont morts ; celui qui mangera ce pain vivra éternellement.
Jean 6:51-58

Communs à tous ces écrits, la notion du salut et de la vie éternelle promis à ceux qui s'adonnent au rite sacrificiel visant à dévorer la chair du Christ et étancher leur soif de son sang.

Eat Me, Drink Me Lewis Carroll and Phantasmagoria Connection

La dimension Lewis Carroll / Phantasmagoria

Notoirement adoptés dans la culture populaire par Jefferson Airplaine comme cri de ralliement pour la génération psychédélique des années 60, les passages suivants du récit de Lewis Carroll "Alice au Pays des Merveilles" sont d'une importance particulière puisque le titre "Eat Me, Drink Me" est littéralement calqué sur les instructions inscrites respectivement sur le gâteau et la bouteille, s'ajoutant aux nombreuses références à Carroll de par la production de son film Phantasmagoria : The Visions of Lewis Carroll, ainsi qu'à la fixation de Manson sur Carroll et son intangible création Alice, elle-même issue de la propre fixation de l'auteur sur une certaine jeune fille :

Captures d'écran provenant du dessin animé Disney d'Alice au Pays des Merveilles de 1951, et de la version filmée de 1933.
Il semblait inutile de rester à attendre près de la petite porte ; c'est pourquoi Alice revint vers la table, en espérant presque y trouver une autre clé, ou, du moins, un livre contenant une recette pour faire rentrer les gens en eux-mêmes, comme des longues-vues. Cette fois, elle y vit un petit flacon ("il n'y était sûrement pas tout à l'heure", dit-elle,) portant autour du goulot une étiquette de papier sur laquelle étaient imprimés en grosses lettres ces deux mots : "BOIS-MOI."
Scènes de la version Disney d'Alice montrant un gros plan sur les gâteaux indiquant 'Mangez-Moi'.
Bientôt son regard tomba sur une petite boîte de verre placée sous la table ; elle l'ouvrit et y trouva un tout petit gâteau sur lequel les mots : "MANGE-MOI" étaient très joliment tracés avec des raisins de Corinthe. "Ma foi, je vais le manger, dit Alice, s'il me fait grandir, je pourrai atteindre la clé ; s'il me fait rapetisser, je pourrai me glisser sous la porte ; d'une façon comme de l'autre j'irai dans le jardin, et je me moque pas mal que ce soir l'une ou l'autre."
Alice au Pays des Merveilles Lewis Carrol
'Buvez-Moi' dans la version muette d'Alice au Pays des Merveilles, datant de 1903.

 

 

Eat Me, Drink Me Cannibal Connection

La dimension Cannibale

À Rotenburg en Allemagne, en Mars 2001, deux hommes d'une quarantaine d'années, Armin Meiwes et Bernd Jürgen Armando Brandes, se rencontrèrent suite à la réponse de Brandes à une annonce en ligne dans laquelle Meiwes recherchait "un mec bien bâti entre 18 et 30 ans pour être massacré, puis consommé", et signait "Der Metzgermeister" (Le Maître Boucher).

Après s'être rencontrés, Meiwes et Brandes décidèrent de sectionner le pénis de Brandes, et de le consommer ensemble. Il est rapporté que par la suite, Brandes consentit volontairement à sa propre mort, et fut tué par Meiwes, qui mangea ensuite ses restes. D'abord condamné à une peine de huit ans et demi de prison pour "homicide sur demande", Meiwes est ensuite condamné pour meurtre, à la prison à vie cette fois-ci.

En plus des références évidentes à Lewis Carroll et Jésus Christ, Manson déclare que le titre de l'album a également été inspiré par "l' histoire, quelques années en arrière, de cet Allemand qui avait passé une annonce pour être mangé, et celui qui l'a mangé. Bien que je ne me sente pas concerné par la relation que partageaient ces deux personnes, j'ai trouvé cette histoire fascinante sous un angle romantique. Je pense que beaucoup de gens ne pourraient pas voir cela comme quelque chose de romantique, mais ça l'était pour eux, d'une étrange façon -- et ça l'est aussi pour moi d'une étrange façon," (rires).
Revolver, Mai 2007

Eat Me, Drink Me Vampire Connection

La dimension Vampirique

 

Scène du clip de Manson pour 'Putting Holes In Happiness' dépeignant la nature vampiresque qu'incarne 'Eat Me, Drink Me'.

Juste avant la sortie de l'album, suivie de nombreuses références faites aux Vampires dont l'hymne gothique "If I Was Your Vampire", puis la chanson "Putting Holes in Happiness" décrite comme une "ballade romantico-misogyno-cannibalo-gothico-vampiresque", l'on pouvait déjà analyser le titre "Eat Me, Drink Me" d'une perspective vampirique, où le vampire perfore la chair et se nourrit du sang de l'hôte, littéralement source de vie de son être.

Photo accompagnant les paroles de 'If I Was Your Vampire' dans l'artwork d'Eat Me, Drink Me.

Manson a toujours endossé le rôle de l'Antéchrist, à travers plusieurs allusions précédentes émanant de l'Art, la Bible, et plusieurs facettes de l'Occulte. Depuis ses débuts il se rapproche généralement d'un Dracula des temps modernes, bien que cela ne soit pas nécessairement de manière flatteuse ou efficace. Mais avec cette renaissance que marque Eat Me, Drink Me, c'est la première fois dans son œuvre qu'il incarne et embrasse pleinement ce rôle, adoptant ouvertement une imagerie intentionellement "gothique".

Bien que l'on puisse en surface condamner et décrier cette nouvelle esthétique comme nouvelle stratégie marketing, il est cependant intéressant de relever que le nom Dracula dérive d'un mot signifiant 'Dragon' ou 'Diable', ajoutant un peu plus de pertinence et rendant cette nouvelle personnification assez à propos.